Il a fallu toute l’énergie puisée dans un groupe AVARAP pour que Nathalie « s’autorise » à laisser tomber le métier de responsable de domaine qu’elle exerçait dans l’informatique pour consacrer tout son temps à la peinture. Près de vingt ans plus tard, elle fait le point sur sa nouvelle carrière, à l’aube de 2019 qui sera une année charnière.

 

Et si le plus court chemin de l’informatique à la peinture passait par l’AVARAP ? C’est ce qu’on peut penser en suivant le parcours de Nathalie Goubet (Nataly de son nom de peintre). Il a fallu pour cela qu’elle passe outre la volonté de ses parents, opposés à son choix lorsqu’à 15 ans elle leur fait part de son projet de présenter le concours des Beaux-Arts. Un véto absolu…

Alors, quand il s’agit de choisir une orientation après bac, elle s’inscrit en fac de science. Finalement, après avoir échangé avec une cousine attachée de presse chez IBM, ce sera l’informatique, très tendance dans les années 80.

Sur un coup de tête, elle s’inscrit à l’école privée américaine « Contrôle Data Institute » qui propose un équivalent BTS en un an. Elle est à Paris, indépendante. « J’y ai appris à travailler, une pédagogie basée sur l’obligation de se prendre en charge, ça m’allait bien, j’apprends à coder », se souvient-elle.

Elle a 20 ans lorsqu’elle cherche un job de « développeur ». Les offres ne manquent pas, les entretiens, tests, graphologies se succèdent mais rien ne se concrétise : elle est trop jeune. Au cours d’un énième entretien, un recruteur lui déclare : « Dans six mois, vous chercherez encore, vous n’êtes pas faite pour ce métier. » Sa réaction : « Alors, je fais quoi ? Balayeuse à la ville de Paris ? » ; « Non, technico commerciale ».

Nous sommes en 1984. Très rapidement, elle est embauchée chez Amadeus France, fournisseur de solutions informatiques pour l’industrie du tourisme. Elle installe des systèmes d’information en agences de voyage dans la France entière, « c’est sympa, je voyage énormément ».

En 1988, sa meilleure amie, Virginie, qui travaille chez Go International, même métier mais dans l’univers du prêt-à-porter, lui donne envie de changer de secteur. Elle n’hésite pas et la rejoint le 1er mai !

« Le domaine m’intéresse, j’y retrouve les formes et les couleurs, ça me convient », confie-t-elle. Il s’agit d’installer et d’adapter des systèmes de suivi de stocks, de commandes, de fabrication aussi bien pour les fabricants, les négociants, l’import-export ou les différents acteurs du Sentier.

En 1994, elle quitte l’entreprise reprise depuis plusieurs années par CSC.

Elle part retrouver Virginie qui, entre-temps, a rejoint Carole (groupe Vivarte), en pleine refonte de son système d’information. Sous la responsabilité du directeur Informatique, Virginie prend en charge l’aval, les boutiques, et Nathalie l’amont : fabrication, stock, logistique. « C’était bien, une vraie histoire»

En 2001, l’entreprise change de directeur informatique : « Ca s’est mal passé avec le nouveau, regrette-t-elle. Une journée a suffi pour que tout bascule. Je suis nommée responsable d’un nouveau projet informatique de taille le matin, et… mise à pied à la suite d’un différent avec un prestataire externe le soir même. J’éprouve un tel sentiment d’injustice que je choisis d’être licenciée. » Elle est déléguée du personnel mais refuse de profiter de son statut de salariée protégée. « Pour diverses raisons, mais celle-ci entre autre, je n’ai jamais pu reprendre un travail en entreprise par la suite», admet-elle.

 

Une rupture douloureuse

« J’avais une vraie blessure narcissique à soigner : je ne suis même pas Bac+2 ! » Nathalie monte un dossier de validation de ses acquis d’expérience (VAE), s’inscrit en fac de psycho-sociologie et obtient un DESS le 5 octobre 2003, quinze jours avant la naissance de son fils aîné !

Un de ses professeurs lui propose de le rejoindre pour travailler pour des organismes du secteur social, dans l’aide à la personne, tels que la CAF. « Le rythme ne me va pas, c’est trop administratif, bref, ça m’ennuie.  Je décide d’arrêter le social et de retravailler dans le privé, dans une grande entreprise. Je passe des entretiens et des tests d’embauche concluants pour finalement m’entendre dire : ” Vous ne rentrez pas dans les cases”. » Le malaise s’installe, d’autant plus qu’elle a maintenant « deux bouts de choux à charge ». C’est l’APEC qui lui parle de l’AVARAP.

 

La peinture comme une évidence

Elle rejoint un groupe en 2006, elle a 42 ans. Dès le Miroir, le groupe l’incite à franchir le pas et à oublier ses autres projets en entreprise. Il faut préciser que, depuis son arrivée à Paris en 1984, Nathalie n’a jamais cessé de suivre des cours de peinture et de sculpture. Elle a même participé à quelques expositions.

C’est le groupe qui lui permet de s’affranchir du véto parental et de « s’autoriser à exister dans la société en tant qu’Artiste Peintre ».

A chacune de ses nombreuses interrogations, la réponse du groupe est toujours la même : « Tu trouveras, tu te débrouilleras ». De fait, elle fixe son statut en se déclarant à la Maison des Artistes. En 2008, elle achète un premier atelier en dehors de chez elle, à Vanves. Son mari la soutient et la pousse à « sortir de son antre ». Elle est acceptée dans des salons prestigieux : MAC 2000, Réalités Nouvelles, Comparaisons au Grand Palais, Salon de Mai. Une galerie la référence depuis dix ans : Olivia Ganancia, rue Dauphine et lui ouvre un marché international. Elle est aussi présente à Royan, à Calvi, en Belgique et à Vienne en Autriche…

Aujourd’hui, elle est loin de gagner de quoi assumer son loyer et subvenir aux besoins de ses enfants. « Je fais ce que j’aime. ce qui est le plus important à mes yeux. Ce qui fut dur à assumer, ce n’était pas la faiblesse de ma rémunération mais les petites phrases du style : toi, t’es cool, tu fais ce que tu veux. Alors que l’on a toujours l’impression de repasser un concours à chaque expo, et de passer par des affres : ne rien vendre pendant six mois, ça interroge. Aujourd’hui, je revendique pleinement mon métier. Avec souvent une petite pensée pour Bourdieu qui disait : qu’est ce que j’ai fait de ce que l’on a fait de moi ? »

2019 est pour Nathalie une année charnière : elle vient d’inaugurer un nouvel atelier à Bagneux, sa galeriste ferme boutique. Son mari positive : «  Il faut le prendre comme une nouvelle liberté. »

C’est ce que nous lui souhaitons, confiants dans sa capacité à rebondir.