Portrait Claude Genin, membre du Comex de l'AVARAP

Grand et solide – un côté bûcheron nordique assumé – le visage auréolé de cheveux blancs fournis, voix posée et maintien solide, interventions toujours teintées d’humour : Claude Génin en impose. Cette apparente tranquillité cache un tempérament révolté et anticonformiste et une très grande attention portée aux autres. Des qualités qu’il a mises au service de l’AVARAP depuis plus de vingt ans. Itinéraire.

 

On ne compte plus les responsabilités assumées par Claude Génin au sein de notre association. « J’y consacre en moyenne trente heures par semaine », sourit-il : parrain, membre du Comex, agitateur d’idées, écrivain prolixe, animateur de RIM HEC, formateur d’animateurs, parrain référent…, il a exercé et y exerce toujours de nombreuses fonctions. « Au début de ma carrière professionnelle, se souvient-il, quand je cherchais à définir le job idéal, il était constitué d’une part d‘enseignement, une part de journalisme et d’une part de recherche. C’est ce que réalise aujourd’hui au sein de l’AVARAP. »

Neuf mois par an, car cet amoureux de la nature et des grands espaces, marié (en Suède) à une Suédoise, part se ressourcer chaque année dans une maison de campagne qu’il possède dans le Nord de la Suède « à 50 mètres de la forêt, 200 m d’un lac et 600 m de la Baltique ». Un équilibre de vie : « Je passe les trois mois d’été (juin, juillet, août) dans mon ermitage nordique où j’abandonne l’ordinateur pour la hache et la tronçonneuse en relisant Jack London et Jim Harrison ! Je m’adonne également à la sculpture sur bois. »

 

De la casuistique aux arts martiaux

Cet équilibre n’a pas été facile à construire : « Né à Paris, enfant unique de parents divorcés lorsque j’avais 11 ans, je me suis construit tout seul entre une mère ultra-possessive et un père absent. En opposition à l’ordre établi. J’ai été exclu de trois établissements parisiens (dont le collège Stanislas et le lycée Montaigne). Finalement, j’ai été envoyé comme interne au collège Saint-Joseph de Poitiers où j’ai passé cinq ans. Ce fut une excellente formation et j’y ai acquis une grande expérience de la casuistique ou l’art de la communication subtile ! »

Claude se lance très tôt dans les arts martiaux. « Cela correspondait à mes références d’adolescent : Zorro et Robin des Bois, défenseurs des faibles et des opprimés. J’ai obtenu ma ceinture noire de judo à l’âge de 18 ans, puis je me suis lancé dans d’autres disciplines : karaté, kung fu ; taijitsu, et, ces dernières années Tai Chi. Un de mes plus beaux souvenirs est un cours de self défense que j’ai donné à des jeunes femmes pendant une année. »

Dès la fin de l’adolescence, il devient un lecteur assidu : « Les écrivains et philosophes furent mes premiers amis et l’essentiel de ma famille adoptive, dont j’avais les portraits photographiques dans ma bibliothèque. Gaston Bachelard et sa superbe barbe blanche représentait le grand-père idéal, Anton Tchekhov, médecin humaniste l’oncle préféré ; et bien d’autres figures de référence : Dostoïevski, James Joyce, Pouchkine, Claude Lévi Strauss, Strindberg, Taisen Deshimaru… »

Après un bac littéraire, c’est l’université de Poitiers qui accueille Claude : « J’apparaissais comme un étudiant plutôt dilettante, entre cinémas et sorties – je suis passionné de cinéma, Kurosawa en particulier. En fait, nous étions une douzaine d’étudiants et nous travaillions en équipe réussissant tous les examens pour moitié avec mention ! »

 

La découverte du « modèle suédois »

Il y fait des études de droit et d’économie, « plutôt par défaut », obtenant un DESS qu’il complète par l’Institut d’administration des entreprises. Il effectue sa dernière année à Paris et soutient un mémoire sur les syndicats en Scandinavie. Car la Suède s’invite dans sa vie quand il rencontre sa future femme, une Suédoise venue effectuer un stage en France. Il s’embarque alors pour Stockholm et y passe un an comme lecteur à l’Université. « J’étais en charge de la transmission de l’équivalent des cours de civilisation française de la Sorbonne, évoque-t-il. C’était un enseignement pour adultes qui s’effectuait en groupes (sauf avec l’amiral commandant la flotte suédoise qui bénéficiait d’un cours particulier !). Ce premier contact avec la culture suédoise m’a permis d’en découvrir progressivement les vertus qui ont conduit à ce qu’on appelle le modèle suédois : sentiment de confiance unanimement partagé, dialogue social constructif, recherche permanente d’un consensus, esprit d’équipe, pragmatisme… »

De retour à Paris, il intègre ce qui est alors l’un des fleurons de l’industrie mondiale : l’Eastman Kodak Company dans sa filiale française, Kodak Pathé, qui compte 9 000 employés dans les années 80. « J’ai eu la chance de conduire ma carrière dans les années les plus fastes, se réjouit-il, et de pouvoir choisir pratiquement tous mes postes. J’ai occupé successivement les fonctions de directeur du marketing, puis j’ai été patron d’une Business Unit qui comportait une centaine d’employés et une vingtaine de cadres.

J’ai terminé ma carrière comme directeur de la communication et des grands comptes après avoir créé la direction de la publicité et participé à l’invention d’un code original avec l’agence Young et Rubicam et Jean-Paul Goude avec qui j’ai pu nouer des relations amicales. »

Les bons souvenirs de cette période ne manquent pas : « Mes principaux dossiers concernaient les jeux olympiques (réunions périodiques à Lausanne) ; Disneyland (j’avais une petite équipe de 3 personnes sur place) ; Le festival de Cannes (je louais un smoking tous les ans pour descendre à l’hôtel Martinez et j’ai fait l’expérience de la montée du tapis rouge !) ; les rencontres internationales de la photographie d’Arles, etc. »

Claude quitte Kodak à l’âge de 57 ans « au troisième plan social, dans le cadre de ce qu’on appelle désormais une rupture conventionnelle ». Après un an de cabinet d’outplacement, il se reconvertit « sans aucune nostalgie » comme consultant en ressources humaines. Assez vite il décide de se « payer le luxe de continuer [son] activité comme consultant bénévole ».

 

Être utile aux autres

Suit alors une période très riche consacrée à se mettre au service des autres : un an à la fondation Agir contre l’exclusion, collaborations avec plusieurs associations de médiateurs, huit ans dans une association de bénévoles au CIDJ (Centre d’Information et de Documentation Jeunesse, au quai Branly) qui a pour fonction d’aider des jeunes, majoritairement de banlieues, à maîtriser les techniques de recherche d’emploi. « J’ai ainsi conduit près d’un millier d’entretiens », se souvient-il.

Lors d’une intervention à l’université de Dauphine, il croise la route de bénévoles de l’AVARAP. Cette association lui parle d’emblée et il suit une formation de parrain : « Je participe aux activités de l’AVARAP comme bénévole depuis plus de vingt ans. J’ai pratiquement touché à toutes les activités de l‘Association. Une expérience tout à fait unique fut d‘animer deux groupes exclusivement composés de cadres en grande difficulté. Cela m’a permis de démontrer que la Méthode peut s’appliquer à des publics très différents (sans tomber du tout dans la thérapie de groupe). »

Une longévité qui l’interroge : « C’est vrai qu’il m’arrive de m’étonner d’avoir conservé, après toutes ces années, une motivation presque intacte. L’explication me paraît simple : la fréquentation régulière de gens de qualité, dans un climat généralement apaisé, pour proposer une aide à des personnes qui en ont besoin, procure un grand sentiment de satisfaction qui est particulièrement gratifiant. Le grand secret des bénévoles : on reçoit toujours plus, en fait, que ce que l’on donne. »