Plus besoin de chercher des solutions tarabiscotées ou de monter des dossiers de licenciement pour mettre fin à un contrat de travail, il existe une solution amiable : la rupture conventionnelle. Mode d’emploi d’un dispositif instauré en 2018 et dont le succès ne se dément pas.

 

Introduite par la loi du 25 juin 2008, la rupture conventionnelle est un mode de rupture particulier du contrat de travail d’un salarié, cadre ou non, en CDI. Ce n’est ni un licenciement ni une démission. L’employeur et le salarié conviennent d’un commun accord des conditions de l’interruption du contrat de travail. La rupture conventionnelle ne peut être imposée par l’une ou l’autre des parties, elle ne peut être mise en œuvre pendant la période d’essai et elle ne s’applique pas aux salariés en CDD ni en contrat de travail temporaire (intérim).

Avec 503600 ruptures conventionnelles en France en 2023, sa popularité est grandissante.

 

Un consentement libre

La rupture conventionnelle, en dehors du licenciement ou de la démission, ne peut être imposée par l’une ou l’autre des parties (Code du Travail, art. 1237-11). L’accord à l’amiable entre les deux parties (le salarié et l’employeur) avec un consentement libre, constitue le point essentiel de la rupture conventionnelle.

L’employeur ne peut l’imposer et vice versa. La rupture peut donc être appliquée à la demande du salarié ou à celle de l’employeur.

Il existe toutefois des limites concernant l’employeur, même en cas d’accord du salarié. La rupture conventionnelle est interdite notamment dans le cadre d’un Plan de Sauvegarde de l’Emploi (PSE), ou d’un accord portant rupture conventionnelle collective, ou encore d’une inaptitude du salarié délivrée par la médecine du travail.

La rupture conventionnelle peut être contestée devant le Conseil des Prudhommes par le salarié, en particulier pour vice du consentement. Ce recours doit être formé avant l’expiration d’un délai de douze mois à compter de la date d’homologation de la convention.

 

Une procédure simplifiée

La procédure commence normalement par l’envoi par le salarié d’une lettre de demande de rupture conventionnelle à son employeur. Cette procédure n’est pas obligatoire, mais elle est conseillée afin de marquer le début des échanges. Un ou plusieurs entretiens, imposés par le code du travail, ont ensuite lieu pour fixer les modalités de la rupture. A la date de fin de contrat prévue par les parties, l’employeur est dans l’obligation de remettre différents documents au salarié soit : un certificat de travail, une attestation France Travail, un solde de tout compte et un état récapitulatif de l’épargne salariale éventuellement. La loi ne prévoit pas de période de préavis. Le contrat de travail s’exécute donc normalement jusqu’à la date fixée pour sa rupture, telle qu’indiquée dans le formulaire de la convention.

 

Peu de contraintes légales

La rupture conventionnelle étant basée sur la libre volonté des deux parties, il y a par conséquent beaucoup moins de contraintes légales que dans le cadre d’un licenciement. Pour débuter la procédure, un entretien est obligatoire, les modalités, en particulier la date et le délai entre la notification et le rendez-vous sont fixées librement par les deux parties. De même, les modalités de la rupture, dont la date de fin du contrat de travail, sont déterminées par les deux parties. Il n’y a pas de préavis obligatoire. La loi impose cependant un délai de rétractation de quinze jours à compter de la signature de la convention. Si le cadre ne se rétracte pas, la convention est envoyée pour homologation à la DREETS, la Direction Régionale de l’Economie, de l’Emploi, du Travail et des Solidarités. Cette dernière dispose de quinze jours pour rendre sa décision. En pratique, la date de fin de contrat doit donc être fixée au moins trente jours après la date de signature de la convention. Jusqu’à cette date le contrat de travail se déroule normalement.

 

Des indemnités fixées librement… dans certaines limites

Quelle que soit son ancienneté dans l’entreprise, le cadre qui signe une rupture conventionnelle homologuée perçoit une indemnité spécifique de rupture conventionnelle. Son montant est fonction du nombre d’années passées dans l’entreprise. En effet, si les indemnités sont fixées librement par le salarié et l’employeur, la loi impose un seuil plancher. L’indemnité ne peut être ainsi inférieure à l’indemnité légale de licenciement (un quart du mois de salaire par année travaillée, et un tiers de mois de salaire par année à compter de la onzième année). Il n’y a pas d’indemnité compensatrice de préavis, puisqu’il n’y a pas de préavis à effectuer.

En cas de clause de non-concurrence, le salarié perçoit la contrepartie prévue par le contrat de travail. Le cadre qui signe une rupture conventionnelle avec son employeur perçoit également les allocations chômage. Ce « divorce à l’amiable » est pour les cadres une alternative à la démission qui, elle, n’ouvre droit à ces dernières que dans certaines conditions.

 

Un dispositif gagnant pour l’employeur et le cadre

Le principal avantage de la rupture conventionnelle pour l’employeur est de ne pas avoir recours au licenciement. Contrairement à d’autres types de fin de contrat, la loi ne prévoit pas de motif ou de justification pour décider d’une rupture conventionnelle. L’employeur et le cadre en effet sont libres de discuter les conditions de la rupture. L’intérêt ? Permettre de prendre les décisions et de gérer le départ de manière plus souple. La rupture conventionnelle peut donc permettre à l’employeur de prévoir une transition en douceur et de mieux organiser le remplacement du cadre concerné. Ceci dans le but de ne pas impacter la continuité des activités de l’entreprise par le départ du cadre.

La rupture conventionnelle présente également de nombreux avantages pour le cadre. Tout d’abord elle lui permet de sortir rapidement de l’entreprise plutôt que de rester bloqué dans une situation délicate. L’avantage immédiat réside dans le fait de bénéficier de l’assurance chômage et ainsi d’orienter sa carrière vers d’autres projets.

Toutefois, il ne touchera les indemnités France Travail qu’à l’issue d’une période de carence déterminée en fonction des indemnités qu’il aura perçues, plafonnées à cinq mois. Enfin la rupture conventionnelle garantit au cadre au minimum l’indemnité conventionnelle de licenciement qui est un plancher. Dans les faits, les cadres parviennent généralement à négocier des sommes 2 à 3 fois supérieures. Elle peut également inclure des avantages, tels qu’un accompagnement sous la forme d’un outplacement.

Un autre avantage concerne le choix de la date de départ. Tout est affaire de négociation. Il peut être intéressant pour le cadre d’avancer ou de retarder la date de départ en fonction de son projet. Le dernier avantage consiste à partir en bons termes. Si l’intéressé recherche un autre poste, le recruteur appellera probablement le DRH de l’entreprise précédente. Mieux vaut donc partir de façon à maximiser ses chances lors de ce recrutement.

 

Un succès qui ne se dément pas

Chez les cadres, le nombre des ruptures conventionnelles continue d’augmenter, mais à un rythme ralenti : +1,6 % en 2023, après +2,3 % en 2022 et +10 % en 2021 selon la DARES. Dans un contexte de quasi plein emploi pour les cadres, les employeurs sont sans doute plus réticents à accorder ce type de rupture. Et les cadres sont peut être de plus en plus enclins à poser leur démission parce qu’ils ont plus rapidement trouvé un nouveau poste qu’il y a quelques années.

Contrairement à une idée reçue, ce ne sont pas les cadres mais les employés qui en majorité (53 %), signent une rupture conventionnelle avec leur employeur, alors qu’ils ne représentent que 34 % des salariés en CDI. Les cadres constituent 18 % de l’ensemble des salariés ayant signé une rupture. Ce sont essentiellement les jeunes (26 % ont moins de 30 ans) qui signent, et non les seniors qui pourraient la considérer comme un substitut à la préretraite.

Emile Biardeau