Les tendances de la reconversion professionnelle des cadres
Sous l’effet des impacts de la crise sanitaire et des évolutions économiques récentes, les envies de reconversion professionnelle se sont développées chez les cadres du secteur privé. Ce contexte particulier a favorisé les interrogations, des motivations plus fortes de changement et une recherche nouvelle de sens et d’utilité, l’ensemble révélant parfois une remise en cause plus profonde de la relation au travail et à l’entreprise.
La tendance à la reconversion professionnelle des cadres, apparue dans les années 2020 et suivantes, est alimentée par une incertitude générale concernant l’évolution des métiers à laquelle s’ajoutent la transformation numérique en cours dans de nombreux secteurs d’activité, ainsi que les enjeux de la transition écologique. Cette reconversion est comprise comme étant un changement de métier au sein de la même entreprise, mais le plus souvent en externe.
Des reconversions plutôt proches du métier exercé
Selon les chiffres rendus publics par l’APEC, près d’un tiers des cadres (32 %) ont un projet de reconversion destiné à les faire changer de métier. Cette tendance est plus forte chez les cadres au chômages (58 %), ainsi que chez les cadres de moins de 35 ans (40 %). Elle concerne en revanche moins les cadres évoluant dans les secteurs dynamiques. Ce désir de reconversion reste néanmoins au stade de simple projet pour une grande majorité des cadres actifs. Seuls 8 % de ceux-ci affirment avoir véritablement commencé des démarches pour un projet de reconversion. Par ailleurs, cette orientation signifie certes un changement de métier, mais assez peu souvent de manière radicale. Dans au moins 7 cas sur 10, le choix du cadre est de s’orienter vers un métier proche ou complémentaire de son métier actuel. Seuls 15 % des cadres choisissent de s’orienter vers un métier complètement différent. Il peut alors choisir de changer de secteur d’activité, de région, ou encore de se mettre à son compte.
La reconversion professionnelle est perçue comme un processus difficile
Le choix de s’orienter vers un métier proche de l’actuel est dû au sentiment de difficulté lié à la reconversion. Les cadres restent plus prudents que téméraires ou inconscients. Se reconvertir est en effet considéré comme difficile par une majorité de cades (60 %). Ces cadres en cours de reconversion considèrent comme très complexe l’estimation de la viabilité du projet (50 %). Par contre, ils appréhendent moins le transfert ou l’acquisition d’une nouvelle compétence indispensable. Ils ont bien conscience du besoin de formation et ils sont prêts à envisager pour cela une durée de plusieurs mois à un an.
Une autre difficulté du processus de reconversion est relative à certains sacrifices à consentir. Par exemple, seuls 4 cadres sur 10 paraissent être prêts à accepter une rémunération inférieure ou des horaires de travail plus importants. Une partie au moins égale d’entre eux pourrait accepter de renoncer au statut de cadre ou à des fonctions managériales.
Six grands moteurs des projets de reconversion
Cette typologie est appuyée sur les motivations profondes des cadres concernés, les éléments déclencheurs, les ressources mobilisées, les contraintes, les difficultés rencontrées, les besoins de formation.
1 – La quête de sens. Ce sont des cadres qui depuis assez longtemps sont sensibles au sens de leur action professionnelle. Ils n’ont pas nécessairement de choix ou d’orientation vers un métier déterminé, mais ils sont surtout motivés et intéressés par des valeurs qui vont déterminer leur nouveau choix, et définir, structurer leur nouveau métier et leur activité professionnelle.
2 – Le retour à une ancienne passion. Leur projet professionnel est marqué par un changement de métier, avec une orientation très claire dès le départ vers un métier-passion bien identifié. Cette passion peut être très ancienne et transformer la reconversion vers une vocation jusque- là plus ou moins ignorée ou contrariée. Elle peut également être récente et s’être imposée progressivement au cadre.
3 – Le désir de promotion sociale. Ce type de projet correspond à la recherche d’un promotion sociale, avec le désir d’un meilleur statut, de plus de responsabilités. Ici est particulièrement marquée l’envie d’une forte progression professionnelle en termes de compétences requises, de missions plus élevées, de salaire en progression et de bonnes perspectives d’évolution.
4 – La nécessité de rebondir. Ces projets traduisent le besoin de se réorienter comme étant une solution à une situation difficile et mal vécue. Pour certains, le plus important est de retrouver un emploi satisfaisant, pour d’autres ce sera le moyen de se préserver quant à la santé physique et mentale. Pour d’autres encore, ce sera le moyen de retrouver l’estime de soi, un bien-être au travail après avoir été malmenés au cours des expériences professionnelles antérieures.
5 – L’envie d’un deuxième souffle. Ce type de recherche correspond à la nécessité de sortir d’une certaine lassitude ou de l’ennui au travail. L’aspiration est au renouveau, à condition que cela se traduise par un avantage certain. Les cadres attendent que ces projets développent une réelle dynamique lors de leur seconde ou à leur troisième partie de carrière.
6 – La recherche de meilleures conditions de travail. Ces cadres recherchent avant tout une amélioration globale de leur qualité de vie par le biais de leur activité professionnelle. Cette amélioration envisagée concerne particulièrement l’équilibre de vie professionnelle / vie personnelle. Cette problématique est courante pour les cadres dont l’épouse est elle-même cadre, avec d’importantes contraintes professionnelles et familiales. Pour ces couples de cadres, les difficultés de grande distance géographique des postes de travail sont évidemment à l’origine de la transition professionnelle de l’un ou de l’autre.
Il n’en reste pas moins que chaque projet de reconversion professionnelle est unique. Ceci avec une grande variété de durée, à partir de l’émergence du désir jusqu’à l’aboutissement à un projet opérationnel. Le processus de maturation est bien entendu fonction du profil du cadre, de son évolution passée, de sa situation professionnelle et personnelle, de son âge et de son ambition, ainsi que des contraintes acceptées ou refusées. Il est rarement linéaire et peut durer plusieurs mois ou même plusieurs années, compte tenu de certains blocages possibles et d’imprévus fréquents.
Emile Biardeau
AVARAP