En France la question du développement de la vie professionnelle des cadres seniors est devenue une préoccupation majeure. Après vingt ans de service, cette catégorie de personnel peut se retrouver soudain sur le seuil de l’inconnu, avec le titre de « senior » à 45 ans. C’est la réalité abrupte à laquelle sont confrontés un certain nombre de cadres de divers niveaux en France. Ainsi, leur expérience, jadis un atout, paraît se transformer en fardeau dans un marché du travail mouvant et en perpétuelle évolution. Ce phénomène soulève diverses questions cruciales sur l’adaptabilité, la réinvention de soi, et la valeur de l’expérience dans l’entreprise privée ; mais il demande également des solutions pertinentes.

 

La transition professionnelle pour les cadres seniors est souvent marquée par plusieurs types d’obstacles, que d’ailleurs certains cumulent. Tout d’abord, pour ceux qui n’ont pas cultivé leur réseau professionnel, cela limite leur visibilité et leurs opportunités. Ensuite, une familiarité trop limitée pour certains avec les outils digitaux constitue un handicap dans un monde de plus en plus numérisé. Enfin, certains ont une vraie difficulté à se remettre en question, souvent couplée à un fort attachement professionnel et même affectif à leur statut antérieur, ce qui contribue fortement à les rendre moins adaptables.

 

Une solution: s’engager dans un cycle de formation-adaptation continu

Cette série de difficultés peut conduire à un risque de marginalisation et même dans certains cas d’exclusion d’une vie professionnelle, tout au moins de même niveau, si le cadre senior concerné ne prend pas assez rapidement conscience des enjeux et des solutions possibles et nécessaires. Face à ce constat, l’attitude gagnante réside dans une démarche proactive. Les cadres seniors doivent, encore plus que d’autres, s’engager dans un processus d’adaptation permanente. Ils doivent impérativement rester à l’affût des évolutions techniques et des modifications du marché du travail les concernant. Cela implique de cultiver et développer son réseau professionnel, de se former aux compétences numériques, de s’ouvrir à de nouvelles perspectives et de trouver les moyens de franchir les barrières liées à l’âge et au statut.

Selon leurs profils, leurs goûts, leurs ambitions, les cadres seniors ont le choix entre des directions variées et encore toutes ouvertes.

Examiner les solutions internes encore possibles dans l’entreprise. Si le cadre senior n’a pas encore quitté l’entreprise, et s’il est en bons termes avec sa hiérarchie, quelle que soit sa problématique professionnelle, il a certainement intérêt à examiner avec la Direction des Ressources Humaines, les diverses solutions internes satisfaisantes pour sa carrière et compatibles avec les besoins et les orientations de l’entreprise.

Il doit savoir avoir un dialogue constructif avec les gestionnaires de carrière de l’entreprise, ainsi qu’avec une possible nouvelle hiérarchie. Si la carrière du cadre à été correcte, voire dynamique, si la DRH est bien outillée – et ouverte à diverses solutions – et l’entreprise normalement prospère, cette voie est la plus normale, habituelle, et sans doute la plus facile, même pour un cadre de plus de 50 ans. Cette démarche peut être gagnante-gagnante, à la fois pour le cadre et pour l’entreprise, si le processus est bien géré. Il est à noter que cette démarche est beaucoup plus facile dans les grandes entreprises que dans les PME dont des opportunités sont beaucoup plus limitées . Si ces conditions ne sont pas réunies, les solutions externes seront alors les seules possibles.

Les solutions hors de l’entreprise d’origine :

  • La recherche d’un autre contrat de travail en CDI, dans une nouvelle entreprise. C’est, en général, le premier réflexe d’un cadre senior. Selon l’état du marché du travail des cadres, entre 45 et 50 ans il est nécessaire, et en général bénéfique, de s’orienter dans cette voie. Après 50 ans, et selon les spécialités et les profils, les difficultés seront plus nombreuses. Mais, pour les cadres supérieurs et dirigeants, des opportunités réellement intéressantes restent possibles. Au début de sa recherche, le cadre devra donc, même après 50 ans tester le marché du travail et tenter sa chance. Si après six à huit mois la recherche reste infructueuse dans cette direction, il convient alors de s’orienter vers quelques autres voies d’évolution professionnelle.
  • Le management de transition. Il se présente comme une solution innovante et adaptée aux besoins actuels des entreprises. Depuis une dizaine d’années, le nombre de cadres seniors qui le pratiquent de manière passagère ou durable, a doublé. Cela correspond bien à la demande des entreprises de plus en plus soucieuses de flexibilité. Il permet aux cadres d’apporter leurs compétences spécifiques, souvent pour des missions de six à dix-huit mois, pour des projets importants mais passagers. Ces missions ont l’avantage d’être mieux rémunérées que dans un poste en CDI, à fonction équivalente. Ce modèle offre aux professionnels seniors une flexibilité et une diversité d’expériences enrichissantes, tout en leur permettant de rester actifs et impliqués dans le monde du travail. Et en enrichissant leur expertise. L’expérience du management de transition depuis quinze ans montre d’ailleurs qu’une part notable de ses praticiens décroche un nouveau CDI en entreprise.
  • Le conseil aux entreprises. Selon la spécialité du cadre senior, et en fonction de son niveau d’expertise, il existe de nombreuses voies intéressantes dans le conseil ou la formation. De nombreux cabinets, selon des formules assez variées, peuvent être intéressés. Certains peuvent même proposer des CDI si le niveau d’expertise est élevé, et surtout si le cadre propose aussi une démarche commerciale. Par ailleurs, un cadre senior peut également développer son cabinet-conseil, seul ou en partenariat. Mais il est souhaitable d’avoir un excellent réseau personnel pour démarrer en maîtrisant les risques.
  • La création d’une affaire personnelle, ou la prise d’une franchise. Cette voie est à envisager a priori pour ceux qui ont plutôt moins de 50 ans, qui disposent d’un important réseau et d’une bonne surface financière.

En définitive, pour un cadre senior, il existe de multiples solutions. Ainsi, prendre leur carrière en main n’est pas une nécessité seulement pour les cadres seniors eux-mêmes. C’est aussi un impératif pour l’ensemble de la société française qui bénéficiera ainsi de leurs compétences, de leur savoir-faire et de leur dynamisme.

 

 

Emile Biardeau / AVARAP

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