Les avantages et limites du management persuasif
Le management persuasif repose sur un chef d’équipe très impliqué et qui mise sur la communication et le relationnel pour pousser ses collaborateurs à se dépasser pour atteindre les objectifs de l’entreprise. Mais ces atouts sont contrebalancés par des limites, comme un certain paternalisme ou un risque de stress.
Communiquer pour mieux motiver
La réussite de cette gestion tient beaucoup à la personnalité du manager. Celui-ci doit être charismatique pour se présenter comme la référence à suivre et emporter l’adhésion. Il doit également être un bon médiateur en cas de conflit. Et pour cela, il doit être à l’écoute et respecter l’individualité de chacun, de la même manière que dans le management délégatif. C’est d’ailleurs ce qui fonde sa capacité de persuasion. Cette bonne communication entre les membres d’une équipe et avec la hiérarchie est d’ailleurs l’une des clés pour entretenir de bonnes relations entre collaborateurs et manager.
Dans une équipe dirigée de cette manière, le sentiment d’appartenance au groupe est fort. Les collaborateurs ont envie de s’investir pour atteindre les objectifs fixés par un manager qu’ils apprécient. Une émulation positive se crée et chacun cherche à se dépasser.
Ce type de management est particulièrement intéressant pour aider un collaborateur qui n’a pas tout à fait les compétences ou l’expérience de son ambition, ou qui manque de confiance en lui. Le chef de l’équipe pourra alors l’encourager et valoriser ses prises d’initiative pour l’inciter à aller plus loin.
Une implication de tous qui peut aller trop loin
Malgré tous ces aspects positifs, le management persuasif a quelques limites. Il peut, par exemple, être jugé paternaliste. Car même s’il partage et discute les informations avec ses collaborateurs, c’est tout de même le manager qui garde le pouvoir de décision. Certains y voient même une forme de gestion autoritaire. C’est d’ailleurs ce qui fait que ce management ne convient pas aux collaborateurs qui ont besoin d’autonomie pour exprimer leur créativité ou leur expertise.
En créant un groupe soudé, le risque est aussi que l’équipe soit fermée sur l’extérieur. Le chef apparaît alors comme le seul modèle à suivre. Et l’investissement personnel de chaque membre peut aussi se retourner contre lui. En voulant toujours se dépasser, les collaborateurs comme le manager peuvent avoir tendance à mélanger vie professionnelle et vie personnelle. Dans un tel schéma, un burn-out peut alors subvenir. Tous les membres sont stressants et stressés, car ils n’ont pas appris à se préserver, comme l’explique le psychiatre Patrick Légeron.
Vivons-nous une période particulièrement génératrice de burn-out ?
Le stress est le syndrome de l’adaptation. Dans notre monde en mutation, 25% des salariés sont considérés en état d’hyperêtres. Santé publique France évalue à 500 000 par an le nombre de personnes qui présentent une pathologie mentale liée au travail dans notre pays.
Mais ce n’est pas le changement qui génère cet épuisement, c’est la non prise en compte de l’humain dans sa mise en œuvre. La Harvard Business Review l’écrivait récemment : en période de mutation, ce qui prime, c’est une présence managériale active. Alors que le plus souvent les managers sont absorbés par le changement lui-même.
Les cadres y sont-ils particulièrement exposés ?
Oui et plus encore que les dirigeants, le management de proximité. Ces cadres qui dirigent de petites équipes sont à la fois stresseurs et stressés, et n’ont pas été formés à des pratiques managériales protégeant la santé.
Le numérique est-il un facteur aggravant ?
Lorsqu’il aboutit sur moins d’autonomie au travail et que les gens sont robotisés, oui. On parle de plus en plus de bore-out, un ennui qui mène à la dépression. Il faut diversifier les tâches et augmenter les responsabilités. Tout va bien si la machine reste un prolongement de l’homme, pas si l’homme est robotisé…
Qu’est-ce qui relève de l’individu et de l’entreprise dans l’apparition d’un burn-out ?
Une part minime revient à l’individu, une fragilité éventuelle et souvent ce surinvestissement. Le reste relève de l’organisation et du management. C’est à l’entreprise de veiller à l’équilibre vie privée-vie professionnelle, à la reconnaissance, au fait de parler des émotions comme des échecs, de soutenir en cas de difficulté…
Il y a un énorme problème de management « à la française ». La France est d’ailleurs regardée comme une curiosité par les pays en pointe sur le burn-out, comme le Canada, ou les Scandinaves, car nous en parlons plus qu’eux mais sommes mal notés sur tous les facteurs qui le favorisent. En France, aucune pathologie mentale n’est encore reconnue comme maladie d’origine professionnelle. C’est une anomalie majeure, d’autant plus problématique que les troubles psycho-sociaux sont, aux dires de l’OMS (Organisation mondiale de la santé) comme du BIT (Bureau international du travail), les grands risques du monde du travail.
D’où vient ce particularisme français ?
Nous avons une culture doloriste et une tradition de surinvestissement au travail. A la question « quelle place accordez-vous à votre travail dans votre vie ? », nous sommes le pays dans lequel la réponse « extrêmement importante » est la plus souvent choisie. Or, il faut accorder une place raisonnable au travail.
Concrètement, cela signifie quoi « placer l’humain au centre »?
C’est avoir une attitude d’écoute active des émotions, rassurer les gens, les renforcer. La reconnaissance est l’un des axes majeurs de la protection de la santé psychique. La vraie, pas celle fondée sur des résultats. Celle qui reconnaît le travail, l’effort et chaque petit pas vers le changement. Heureusement, sur tous ces points, les jeunes sont en train d’apporter une révolution.
Patrick Légeron
Magazine challenges/vie-pratique/