La semaine de quatre jours pour les cadres : une mise en place complexe
Progressivement il semble que les entreprises sont de plus en plus séduites par le concept de la semaine de quatre jours. Cette idée a déjà été éprouvée et appliquée par divers pays européens, en particulier l’Irlande, la Belgique, l’Ecosse et l’Espagne. Les entreprises ont le choix de mettre en place elles-mêmes cette semaine plus courte ou de laisser les salariés décider et s’organiser eux-mêmes. Mais quelles sont les attentes des cadres en ce domaine sensible et important ? Et est-il réalisable en France de travailler 35 heures en seulement quatre jours ? Et avec quelles adaptations ?
Selon une enquête du cabinet Robert Walters, réalisée en France en janvier 2024, 88 % des cadres sont favorables au passage à la semaine de quatre jours. Près de 9 cadres sur 10 souhaitent voir leur entreprise adopter cet aménagement du temps de travail. Cela se vérifie en particulier chez les 30-39 ans (94 %). Même en travaillant autant : ces cadres sont 74 % à souhaiter conserver le même nombre d’heures de travail et les répartir sur quatre jours. Mais 21 % des cadres seraient disposés à réduire leurs heures, quitte à ce que leur rémunération diminue. Par ailleurs, 46 % des cadres souhaitant adopter ce mode de travail sont prêts à renoncer aux formations et 37 % pourraient s’abstenir de télétravailler. A ce prix cependant, la moitié des cadres souhaite pouvoir choisir sa journée et 31 % aimeraient pouvoir la modifier librement au cours de l’année.
Moins de jours de travail pour plus de bien-être
Parmi les cadres désirant passer à la semaine de quatre jours, 93 % estiment que cela augmenterait leur bien-être. Dans leur majorité, ils estiment qu’ils mettraient à profit leur journée de temps libre pour passer du temps avec leur famille et leurs amis (81 %) ou pour leurs loisirs (78 %). Au-delà du bien-être qu’elle apporterait, les cadres pensent que la semaine de quatre jours leur permettrait d’être plus productifs (53 %) et d’améliorer leur relation avec l’entreprise (43 %). Toutefois, tous les cadres ne seraient pas prêts à passer à ce nouveau mode de travail de peur de voir leur nombre d’heures de travail effectif augmenter (51 %).
Une nouvelle solution pour attirer et retenir les talents
Comme indiqué plus haut, la grande majorité des cadres interrogés envisagent positivement le passage à ce rythme de quatre jours par semaine. Il s’agit d’une tendance forte que les entreprises doivent considérer. En effet cela permettrait d’attirer des talents et même de les retenir. 91 % des cadres interrogés estiment que les entreprises proposant cet aménagement deviennent plus attractives. Cependant, seuls 30 % pensent que les entreprises finiront par adopter la semaine de 4 jours. En effet, d’autres dispositifs permettent également d’attirer les talents : la possibilité d’aménager soi-même son temps de travail (63 %), ou encore de télétravailler partout dans le monde (30 %).
Des points de vigilance
Lors de la mise au point d’un projet collectif, les points de vigilance sont de trois ordres : économique, humain et juridique.
– Economique car il convient de s’assurer qu’une telle organisation du travail est compatible avec l’activité de l’entreprise. En ce sens, et de manière similaire au télétravail, il est probable que les métiers du secteur tertiaire se prêteront davantage à la semaine de quatre jours.
– Humain car cette forme d’organisation du travail peut s’avérer difficile à mettre en œuvre. En effet, certains cadres peuvent se trouver en difficulté quant à la gestion du travail associée. Un accompagnement des services des ressources humaines s’avérera souvent nécessaire.
– Juridique puisque la mise en œuvre de la semaine de quatre jours implique une analyse juridique de l’environnement dans lequel évolue l’entreprise : règles éventuellement prévues par la convention collective, présence ou non d’organisations syndicales représentatives, etc.
Comment gérer le cas des cadres en forfait-jours
Le cas des forfaits-jours est épineux puisqu’il implique de tenir compte des spécificités de l’organisation du travail. Pour autant, des solutions existent. A titre d’exemple, deux options peuvent être envisagées :
– La réduction du nombre de jours travaillés dans l’année moyennant, ou non, réduction de la rémunération correspondante. Cette solution est complexe et sensible en ce qu’elle implique un accord individuel des salariés concernés, sous réserve des mécanismes collectifs permettant de « forcer » un tel accord.
– Le maintien d’un forfait-jour « plein » avec attribution de jours de repos spécifiques hebdomadaires. Cette solution alternative vise à maintenir le nombre de jours inclus dans le forfait, en permettant aux cadres de répartir leur travail sur quatre jours. Pour ne pas préjudicier les droits des cadres concernés, le cinquième des jours inclus dans le forfait non travaillé correspondrait à des repos spéciaux assimilés à du temps de travail effectif pour l’ensemble des droits qui s’y rapportent (rémunération, congés payés, etc.). Indépendamment de ces options, une attention particulière et spécifique nous paraît devoir être apportée aux temps de repos et à la charge de travail des cadres concernés.
En définitive, la mise en place de la semaine de quatre jours s’avère être un processus complexe, qui demande un temps assez long de préparation et de maturation sur tous les plans, et si possible en accord avec les partenaires sociaux. S’il veut réussir, l’employeur doit trouver des moyens de dialogue social approfondi et des adaptations à de nombreuses situations diverses.
Emile Biardeau