La formation professionnelle, outil privilégié de la fidélisation des cadres dans l’entreprise (partie 2)
Nous avons vu dans un précédent article ce que les cadres peuvent attendre de la formation professionnelle. Ce second article veut mettre l’accent sur les bénéfices que peuvent en tirer les directions de ressources humaines en termes de gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences et de fidélisation des cadres aux compétences-clés.
La gestion des carrières, en particulier celles des cadres, représente l’élément central, le plus riche, de la gestion des ressources humaines. Encore faut-il l’organiser.
- Gérer les carrières est un enjeu majeur de la politique RH. L’adoption d’un plan de gestion des carrières transforme le dialogue entre l’entreprise et le cadre. Les retombées de cet investissement doivent bénéficier de manière globale à tous les acteurs de la structure. Le chef d’entreprise a tout intérêt à mettre en place un processus pour ouvrir des perspectives claires à ses cadres. A la clé : l’implication des individus et des équipes.
- Fidéliser les talents. Le management des ressources humaines devient un enjeu d’autant plus central que nous vivons une époque où les talents sont volatils. Le temps où les salariés en général, et les cadres en particulier, « faisaient carrière » au sein d’une seule et même structure est révolu. Le cadre d’aujourd’hui – génération Y oblige – est mobile et multiplie les postes d’une entreprise à l’autre au gré de ses envies et de ses ambitions. Or, le turn-over mal maîtrisé coûte cher à l’entreprise, tant sur le plan économique qu’en matière de productivité. Pour les entreprises, la gestion des carrières compte parmi les solutions à mettre en œuvre pour limiter les conséquences néfastes de cet état de fait. Les cadres y trouvent aussi leur intérêt.
L’intérêt pour l’employeur : la mobilité professionnelle et la promotion interne sont les meilleures alternatives au recrutement externe. Le processus est moins cher et plus rapide. Le risque en outre est moindre : le chef d’entreprise connaît les forces et les faiblesses de ses cadres et ceux-ci ont une bonne pratique de la culture d’entreprise et de ses rouages.
L’intérêt pour le cadre : il a la preuve que le capital humain est pris en compte. Par un dialogue intelligent avec les managers et la direction RH, il peut se projeter sur des perspectives de carrière en interne, adaptées à son profil et à ses motivations. A la clé : un regain d’intérêt pour le poste et pour l’entreprise, et la possibilité de modeler une évolution de carrière à sa mesure.
Méthodes, outils et esprit de la gestion des carrières
La DRH doit prendre l’initiative d’élaborer un plan de gestion des carrières et en piloter la mise en œuvre. Le process doit être envisagé de manière globale, mais bien entendu également au niveau des personnes de manière à faire émerger et à gérer le projet professionnel de chaque cadre. L’enjeu majeur du plan de gestion de carrière est d’exploiter les aptitudes et le potentiel des cadres, tout en identifiant et en satisfaisant leurs attentes. Il s’agit de faire coïncider les intérêts du cadre avec les besoins de l’entreprise. La méthode est globalement la suivante :
- Enclencher le dialogue en particulier à l’occasion de l’entretien annuel. La prise d’initiative des RH est essentielle : en anticipant, l’employeur évite le risque que le cadre montre des signes de lassitude au travail ou qu’il quitte l’entreprise.
- Proposer de manière opportune un bilan de carrière. Il s’agit de faire le point sur ses réussites et ses échecs, d’estimer et de mesurer son niveau de motivation pour son poste ou un autre poste, de connaître le niveau de son implication dans l’entreprise afin de réaliser avec lui une synthèse qui permettra de fixer des perspectives pour la ou les prochaines années. Différents chemins d’évolution, tenant le plus grand compte des avis et des motivations du cadre, seront transmis à la direction de l’entreprise afin de les intégrer au plan de formation global.
Elaborer un plan de formation général propre à l’entreprise, avec des déclinaisons par services jusqu’à une individualisation concernant chaque cadre. La direction des RH et le manager, en concertation avec chaque intéressé, auront notamment le souci d’établir un plan et des propositions de formation judicieuses, tenant compte des besoins de l’entreprise, mais également de l’âge, du dynamisme de la carrière et des motivations du cadre à un instant T.
Le principe de base est que pour un cadre de 30 à 40 ans, il y aura lieu de tenir compte de l’évolution récente et de celle envisagée pour les prochaines années, de mixer cela avec les demandes et aspirations du cadre concerné afin de décliner un plan de formation personnalisé. A cette phase de carrière, il pourra être opportun d’envisager, selon la courbe d’évolution, une formation longue, plus ou moins technique ou spécialisée sur un domaine selon les cas, ou encore une formation débouchant sur un diplôme.
Pour les cadres de 40 à 50 ans, qui pour certains voient leur carrière commencer à plafonner, soit les formations proposées et acceptées permettront une remise à niveau, soit elles autoriseront une relance de carrière. Ce dernier cas est à réserver aux cadres les plus dynamiques qui se verront proposer les formations les plus approfondies. Tout est fonction à ce stade de la qualité du dialogue et de la confiance établie entre le cadre et sa hiérarchie.
Les perspectives de formation des cadres dépassant la cinquantaine peuvent être très variables selon le développement de l’entreprise, sa politique de RH relative aux seniors, le degré de motivation, de dynamisme et de professionnalisme de chaque cadre. Généralement, l’entreprise n’investira dans la formation d’un tel cadre que s’il y a une nécessaire adaptation à un nouveau produit ou un nouveau marché. Si l’intéressé a encore des motivations fortes, un projet de développement d’ampleur et justifié. Il lui appartiendra souvent de faire preuve de conviction auprès de sa hiérarchie et il pourra peut-être obtenir encore une formation valorisante et adaptée à un objectif précis.
Ainsi il apparaît bien que la formation professionnelle est un instrument privilégié de la gestion des carrières. Pour dérouler sa carrière, chaque cadre a intérêt à avoir le meilleur dialogue possible en ce domaine, à la fois avec sa hiérarchie et avec la direction des Ressources humaines, afin de maximiser ses chances en fonction des moyens et de la politique RH de son entreprise. Et chaque entreprise a beaucoup à gagner à utiliser et considérer la formation professionnelle des cadres comme un moyen privilégier de gestion des talents, et par conséquent de son développement.
Emile Biardeau