On lit parfois que la personnalité indique l’intelligence, ou qu’il existe des personnalités plus créatives que d’autres. Or, ces perspectives sont erronées, comme le montrait une publication en 2015. En effet, il n’existe pas de définition consensuelle de la personnalité. Cependant, un thème commun émerge : la personnalité se manifeste au travers des régularités ou des cohérences du comportement.

 

Dans le monde professionnel, bien que les sages-femmes soient souvent bienveillantes, les magistrats distants et les commerciaux avenants, il reste difficile d’affirmer avec certitude que ces caractéristiques soient le reflet de leur personnalité : en effet, il est tout aussi probable que ces régularités comportementales soient le résultat d’une compétence acquise et qu’elles aient été adoptées parce qu’elles sont efficaces dans ces professions. Il est donc impossible de dire que les magistrats ont tous une personnalité réservée et introvertie. De la même façon, la bienveillance est essentielle pour une sage-femme, mais cela ne signifie pas qu’elle soit de nature bienveillante.

 

Méfiez-vous des tests !

De manière générale s’il veut être reconnu, tout professionnel se doit d’incarner les qualités attendues spécifiques à son métier. L’acquisition de ces compétences comportementales nécessite un certain degré d’intelligence et d’adaptabilité mais ne reflète pas leur personnalité à proprement parler. Les comportements professionnels ne peuvent donc pas être considérés comme manifestant la personnalité.

Dès lors, comment interpréter les recours aux tests de personnalité des ressources humaines lors d’une phase de recrutement ? Ces tests sont censés offrir un aperçu des préférences et tendances (c’est notamment le cas pour le MBTI, l’une des références en la matière). Toutefois, ils ne doivent pas être interprétés comme une représentation totale de la personnalité ou du potentiel professionnel d’un individu.

Comme le souligne une étude récente de la Chaire « Nouvelles Carrières » de Neoma Business School : « L’évaluation de la personnalité en situation de recrutement révèle moins les caractéristiques réelles des candidats que leur connaissance des stéréotypes et des attentes supposées des recruteurs ».

Les managers doivent donc éviter de tirer des conclusions hâtives à partir de la personnalité supposée d’un candidat et rester factuels dans leur approche. Par exemple, dans un contexte de management d’équipe, il est crucial de distinguer le comportement observable des traits de personnalité tels que mesurés via un test et d’éviter les généralisations réductrices. Il en va de même pour les stéréotypes générationnels, eux aussi réducteurs et nuisibles au management.

Déresponsabilisation

Les principaux enseignements de ce constat pour les managers peuvent donc se résumer comme suit :

  • D’abord, considérer l’adaptabilité comme la clef de la réussite : comportements professionnels et habitudes peuvent être le résultat d’adaptations à des situations spécifiques plutôt que des indicateurs fixes de la personnalité. Les managers doivent favoriser une culture d’adaptabilité pour encourager la flexibilité dans les réponses aux défis et ne pas emprisonner les collaborateurs dans des profils types.
  • Ensuite, éviter les amalgames préjudiciables : les tests de personnalité ne doivent pas être les seuls guides dans le recrutement et la gestion d’équipes. Les témoignages d’anciens collaborateurs ou superviseurs et les expériences professionnelles fournissent notamment des informations cruciales sur l’adaptabilité et la capacité individuelle d’un collaborateur à évoluer dans des contextes variés.

Faire uniquement appel à la personnalité pour expliquer un comportement professionnel revient donc à dire que les individus ne sont pas responsables de leur comportement, mais que leur personnalité l’est. C’est suggérer, à tort, une absence de responsabilité individuelle dans les actions et ignorer la complexité des influences externes et internes sur notre comportement. Le management efficace va au-delà des simples étiquettes de personnalité et exige une compréhension individuelle plus approfondie et une approche plus flexible, surtout dans un contexte mouvant comme la gestion d’équipes.

 

Veronique Brajeux-Ferrouillat

Responsable Master Négociation et Management des Affaires, Pôle Léonard de Vinci

Jean-Etienne Joullié

Professeur de management à l’EMLV, Pôle Léonard de Vinci

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Publié le 12 décembre 2023