Si le CDI a été le graal de tous les salariés, il semble que, surtout chez les cadres, cette réalité est en train de changer. Certains choisissent des modes de contrat alternatifs. Ce cadre commercial se tourne vers une société de portage salarial pour facturer ses prestations, cet autre partage son temps entre plusieurs TPE qui le salarient pour des temps partiels. Enfin, certains cadres rejoignent une CAE (Coopérative d’activité économique) dans laquelle ils bénéficient de synergies. Et la liste est loin d’être exhaustive…

 

Depuis une vingtaine d’années, les observateurs notent une nette évolution des modes de travail. Deux tendances se font jour : certains voudraient réintégrer les emplois indépendants dans l’orbite du salariat ; d’autres appellent de leurs vœux sa mort pure et simple, et son remplacement progressif par un travail indépendant généralisé. Cela pourrait entrer en résonnance avec les aspirations individualistes de notre époque. Le décryptage des tendances actuelles, surtout chez les jeunes, indique que c’est cette dernière qui domine actuellement.

 

Pour les indépendants qui veulent être salariés : le portage salarial

Les personnes concernées par cette formule travaillent en réalité comme des indépendants et ont pourtant le statut de salarié. Ils sont salariés d’une société de portage, qui assume pour eux toutes les formalités administratives, ainsi que certaines responsabilités et protections qui incombent à n’importe quel employeur. En échange d’une rémunération.

Le portage salarial est une relation tripartite : d’une part, un contrat de travail est établi entre le salarié et l’entreprise de portage salarial. D’autre part, un contrat commercial est établi entre l’entreprise de portage salarial et l’entreprise pour laquelle intervient le salarié-indépendant. Les éléments essentiels du portage salarial sont les suivants :

– Toute personne ayant l’expertise, les qualifications, et l’autonomie lui permettant de rechercher ses clients, peut pratiquer le portage salarial.

– La personne candidate à ce type de travail doit avoir au moins un niveau de qualification égal à bac+2 et souvent beaucoup plus. Et elle doit justifier d’une pratique professionnelle de même niveau dans sa spécialité d’au moins dix ans. Une concurrence forte existe sur ce marché.

– Le salarié « porté » doit négocier lui-même les conditions d’exécution de sa prestation avec l’entreprise cliente et en fixer le niveau de rémunération.

– Le choix de l’entreprise de portage lui appartient totalement.

– Il fournit une prestation de service à l’entreprise cliente et rend compte de son activité à l’entreprise de portage.

– Il reçoit un bulletin de salaire. S’il était précédemment inscrit à Pôle emploi, il est repris en charge par ce même organisme après sa « mission ».

 

Salarié mis à disposition dans plusieurs entreprises : le Groupement d’employeurs

Le Groupement d’employeurs (GE), est créé à l’initiative d’acteurs économiques d’un territoire pour répondre à leurs besoins de compétences à temps partiel ou saisonnières. Il est généralement constitué sous forme d’une association de loi 1901. Les entreprises adhérant au Groupement d’Employeurs mutualisent les emplois, créant ainsi des emplois à temps partiel choisi. Le salarié est embauché en CDI par le Groupement d’Employeurs et met ses compétences à la disposition de plusieurs entreprises membres du Groupement sur un territoire correspondant. La durée de son intervention, le salaire et la fréquence sont établis entre le Groupement, le salarié et l’entreprise intéressée. En tant qu’acteur territorial de l’emploi, l’un des objectifs du Groupement est de créer des emplois pérennes par le moyen de CDI avec les salariés. Cela permet à l’entreprise d’avoir des talents à temps partiel ou saisonniers fidélisés de s’assurer des compétences dont elle a besoin et de disposer des profils d’expert.

 

Salarié d’une entreprise de travail à temps partagé

Le recours au travail à temps partagé permet de recruter un collaborateur lorsque l’entreprise rencontre des difficultés à embaucher en raison de sa petite taille ou de son manque de moyens. L’entreprise peut choisir de devenir cliente d’une entreprise à temps partagée (ETTP). Cette dernière peut apporter des conseils en matière de gestion des compétences et des formations. Dans le cadre du travail à temps partagé, la relation entre le salarié recruté et l’entreprise se répartit de la manière suivante :

– Un contrat de travail lie le salarié mis à disposition à l’entreprise de travail à temps partagé ;

– Un contrat de mise à disposition lie l’entreprise de travail à temps partagé à l’entreprise concernée.

Le salarié dispose d’un CDI. La rémunération du salarié mis a disposition dans l’entreprise cliente ne peut être inférieure à celle d’un salarié de cette entreprise occupant un emploi similaire. C’est l’entreprise de travail à temps partagé qui se charge de rémunérer le salarié mis à disposition dans l’entreprise cliente. Elle adresse ensuite une facture regroupant les frais avancés pour la rémunération du salarié. Et elle facture sa prestation.

 

Rejoindre une Coopérative d’Activité et d’Emploi

C’est un type de société coopérative qui offre un cadre propice et avantageux aux entrepreneurs individuels surtout en phase de démarrage de leur activité. Les CAE permettent aux créateurs d’entreprise de bénéficier du statut d’entrepreneur-salarié. Etant donné que les CAE sont des SCOP, les salariés-entrepreneurs sont invités à participer à la gestion de la CAE. La coopérative héberge l’entreprise en création, lui fait bénéficier de différents services administratifs et d’accompagnement. En contrepartie, elle facture les prestations de l’entreprise hébergée et perçoit le règlement des clients qui sera reversé à l’entrepreneur-salarié sous la forme d’un salaire. Le montant du salaire correspond au chiffre d’affaires hors taxes perçu pendant le mois, déduction faite des charges sociales et patronales ; du montant des impôts sur le revenu payé à la source ; des frais de gestion de la coopérative.

Même si les statistiques ne sont pas très précises, on estime à un à deux millions le nombre de personnes qui s’inscrivent dans les tendances répertoriées ci-dessus. Il faut aussi rappeler deux phénomènes : en France, ces modes de travail indépendant progressent quand le chômage augmente et régressent quand le chômage diminue. Ailleurs en Europe, il a tendance à progresser dans les pays de culture anglo-saxonne et à diminuer dans les pays de culture latine.

Emile Biardeau