Si, aujourd’hui, l’influence de l’intelligence artificielle sur l’emploi des cadres reste limitée, on peut d’ores et déjà observer des modifications substantielles dans le contenu même de nombreux métiers, et cela ne fait que s’accélérer. Si en termes prospectifs, l’OCDE estimait en 2024 qu’environ 27 % des emplois (y compris de nombreux emplois de cadres et de dirigeants) sont à « haut risque d’automatisation », sur le moyen et le long termes, il est vraisemblable que l’IA transforme plus les emplois de cadres qu’elle ne les remplace. Toutefois, comme toute révolution et sans doute plus que d’autres, celle de l’IA est porteuse de menaces, mais également d’opportunités. Il convient donc d’être attentifs aux changements induits par l’IA, et de mesurer la perception qu’en ont les cadres.

 

Jusqu’à aujourd’hui, malgré les révolutions industrielle et numérique et à l’inverse des métiers « manuels », les emplois qualifiés des cadres et ingénieurs semblaient protégés. Avec l’IA générative, les capacités de perception et de compréhension de l’environnement, de moyens de production de langage écrit et parlé, ont d’ores et déjà dépassé les humains en termes de précision et surtout de rapidité. Les IA peuvent donc les remplacer dans les tâches les plus complexes.

Ce sont donc, à terme, la plupart des emplois qualifiés, même de haut niveau, qui vont se retrouver en concurrence avec l’IA, depuis les médecins, les policiers, les journalistes, etc. On sait déjà que les IA ont réussi l’examen du barreau (pour devenir avocat), et des examens d’ingénieur. Certes, l’avocat restera certainement nécessaire pour une plaidoirie basée sur la capacité à provoquer l’empathie des jurés en cours d’assise. Mais l’IA fera plus vite et mieux pour les 80 % des travaux autres, comme l’argumentation juridique ou l’analyse de la jurisprudence.

De même l’ingénieur, qui doit, par exemple, planifier un chantier, pourra très vite être supplanté par la machine. L’IA n’étant pas infaillible, il faudra faire contrôler les résultats obtenus par des spécialistes très expérimentés. Ainsi, un expert en IA prévoyait en 2024 de fortes perturbations pour les quinze à vingt prochaines années dans le marché du travail avant une relative stabilisation. Il imaginait à court terme ou moyen terme une combinaison entre un humain super-ingénieur et des IA travaillant sous sa supervision. Selon un autre expert lors du forum de Davos de janvier 2025, environ 300 millions de postes seront supprimés et surtout réaménagés dans le monde avant 2030, en particulier ceux qui sont à dominante intellectuelle.

 

Les avantages de l’IA générative pour les cadres et l’entreprise

Bien choisie et gérée, l’IA permet de répondre à de nombreux enjeux globaux de l’entreprise et de ses cadres en leur permettant de travailler plus efficacement grâce à la plus grande automatisation des tâches simples et répétitives. En voici quelques exemples concrets :

– La valorisation des métiers. Les cadres peuvent mieux se concentrer sur des activités qui nécessitent tout leur savoir-faire et toute leur créativité.

– L’amélioration de la production et des process. L’IA simplifie les processus et réduit les erreurs humaines. Elle permet une gestion plus fine et optimise les opérations.

– L’amélioration de la sécurité informatique. L’IA permet de mieux assurer la protection du service informatique, en permettant plus rapidement l’identification rapide des vulnérabilités, ainsi que la prévention des cyber attaques.

– Le développement de l’expérience clients. Les assistants virtuels, basés sur l’IA, permettent d’améliorer l’interaction client en fournissant des réponses rapides et précises.

– L’optimisation de la fonction Ressources Humaines. Grâce à des algorithmes avancés, l’IA permet aux équipes RH d’examiner rapidement des milliers de CV, de créer des parcours de formation sur mesure, et de générer des analyses de performance détaillées.

– L’assistance des équipes juridiques. L’utilisation de l’IA apporte aux métiers du domaine juridique de précieux gains de temps. Elle permet d’analyser rapidement de grands volumes de documents légaux. Elle s’avère très efficace pour optimiser la gestion documentaire.

 

Qu’en pensent les cadres ?

L’intelligence artificielle n’est plus un concept flou pour une grande majorité de cadres. Ils sont désormais 80 % à savoir en quoi consistent ces nouveaux outils et à quoi ils servent. Une connaissance qui s’est diffusée à toutes les classes d’âge et à toutes les tailles d’entreprises.

Si les cadres appréhendent mieux Chat GPT, DALL-E et d’autres logiciels d’IA, c’est tout simplement grâce à leur expérience personnelle. Le nombre de ceux qui ont testé l’IA au travail a doublé en un an, passant de 19 % début 2024 à 41 % début 2025. Preuve que les outils d’intelligence artificielle suscitent intérêt et curiosité.

Mais sont-ils conquis ? Un tiers d’entre eux déclarent y voir une opportunité professionnelle (plus 12 points en un an). Notamment en vue d’améliorer leurs performances ; 92 % pensent gagner en productivité ; 82 % améliorer la qualité de leur travail ; 62 % voient le moyen de réaliser des tâches qu’ils n’auraient pas su faire, et 80 % l’utilisent pour développer de nouvelles idées.

Les entreprises ne s’y trompent pas, puisque un quart d’entre elles incitent leurs cadres à utiliser l’IA pour faire preuve de pédagogie autour de ces outils, accompagner leur bonne appropriation et faire monter en compétence leurs collaborateurs.

Toutefois, si 41 % des professionnels ont testé l’IA dans leur fonction, seuls 10 % d’entre eux l’utilisent régulièrement. En effet, si de plus en plus de cadres voient en l’intelligence artificielle une opportunité, ils restent majoritaires à la considérer comme une menace, quel que soit leur âge. Peur de se faire remplacer ? Les cadres citent plutôt prioritairement deux risques : la fiabilité de l’information donnée par l’IA, et son utilisation malveillante. L’impact sur l’emploi n’est cité qu’en troisième position.

L’intelligence artificielle engendre beaucoup de fantasmes et de craintes, en particulier à cause de sa spécificité, et parce qu’elle permet d’autonomiser de nombreuses tâches, y compris de haut niveau, et ceci de manière croissante, jouant ainsi un rôle majeur dans les mutations du travail et au-delà dans les transformations de la société. Mais, ce qui va maintenant être important, ce n’est pas tant l’utilisation de l’IA et ses développements prévisibles, sur lesquels on ne pourra revenir, que la manière dont elle sera déployée et utilisée dans les organisations.

Emile Biardeau

AVARAP