Le télétravail, auparavant très peu développé dans notre pays en regard de ce qui se passe dans des pays comparables, a connu une accélération fulgurante avec la crise du Covid 19. Pour le réussir, au bénéfice du salarié comme de l’entreprise, il est nécessaire de bien le préparer. En voici les cinq étapes clés.

 

Si, aujourd’hui, le télétravail est un mode d’organisation largement répandu, en particulier depuis l’apparition de la pandémie de la Covid, son organisation pose encore de nombreuses questions. Avant cette pandémie, 8 % des salariés étaient en télétravail ; à la fin de la pandémie, 30 % des salariés du secteur privé le pratiquaient, et ce pourcentage est resté à peu près le même depuis. Les avantages sont nombreux mais les réticences des uns ou des autres sont encore courantes.

 

Une réalité différente selon le poste et l’entreprise

Le télétravail est un mode de travail dans lequel un salarié travaille depuis un autre lieu que les locaux de l’entreprise. Le plus généralement, il s’effectue depuis le domicile ou un espace de coworking. Cette organisation est possible surtout grâce aux technologies de l’information et de la communication (TIC) qui permettent de rester connectés à l’entreprise. Selon l’article 46 de la loi de simplification du droit du 22 mars 2012 « le télétravail est une forme d’organisation du travail hors des locaux habituels, de façon régulière et volontaire, en utilisant les TIC dans le cadre d’un contrat de travail ou d’un avenant à celui-ci ».

En théorie, le télétravail peut s’appliquer à tous les membres du personnel. Mais le télétravail n’est pas un droit. Et, dans la pratique, certains métiers ou travaux ne peuvent pas être éligibles au télétravail (les travaux publics, les services à la personne, les transports, de nombreux poste en usine, etc.). Les employeurs peuvent donc choisir de permettre ou non le télétravail en fonction des exigences de chaque poste et également selon la politique générale de l’entreprise. Le télétravail peut revêtir différentes réalités : à temps plein, à temps partiel, ponctuel (selon les besoins propres au salarié ou à la demande de l’employeur) et, enfin, le télétravail saisonnier.

 

Des avantages indéniables pour l’entreprise et le salarié

Que ce soit pour l’entreprise ou pour les collaborateurs, les avantages du télétravail sont nombreux.

Pour les entreprises, le télétravail permet d’accroître la productivité, de réaliser des économies d’échelle sur l’immobilier et les dépenses courantes, d’améliorer la qualité de vie des salariés, et donc d’accroitre leur motivation et leur implication. Et enfin, certainement, de diminuer l’absentéisme.

Pour les salariés, le télétravail permet des économies de temps et d’argent, en particulier dans les déplacements quotidiens, une meilleure gestion du temps de travail, une plus grande autonomie et un meilleure concentration en diminuant les interruptions. Selon une enquête, les télétravailleurs réguliers à domicile estiment dans leur majorité que la qualité de vie familiale est meilleure qu’avec une configuration de travail classique.

Mais, tant pour le salarié que pour l’employeur, le télétravail présente quelques inconvénients.

On peut noter en particulier les difficultés de communication (le salarié serait moins efficace à distance) ; un rôle du manager modifié et plus difficile ; un risque de moindre efficacité (liée à des confusions ou incompréhensions) ; une hyperconnexion obligée, car étant le seul moyen de travail et de communication ; l’isolement, qui permet peu le partage, la comparaison des pratiques ; et finalement la rupture « du cordon ombilical » qui relie aux autres, avec un travail qui devient plus abstrait.

 

5 étapes clés pour mettre en place le télétravail

Depuis l’entrée en vigueur de la loi sur le renforcement du dialogue social, il n’est plus nécessaire de modifier le contrat de travail pour permettre à un salarié de télétravailler. Le télétravail peut être organisé dans le cadre d’un accord collectif. Et en l’absence d’accord collectif, l’employeur et le salarié peuvent convenir de recourir au télétravail. Voici comment mettre en place le télétravail en 5 étapes :

1 – Recueillir les attentes des collaborateurs. Pour réussir la mise en place du travail dans l’entreprise, il est tout d’abord essentiel de recueillir les attentes et les besoins des salariés à ce sujet. En effet, tous les salariés ne sont pas motivés par le travail à distance. L’entreprise doit donc alors interroger ses employés pour cerner au mieux leur volonté, leur motivation, leurs doutes et leurs attentes en termes de rythme du travail et d’organisation. Pour cela, l’entreprise peut soumettre des questionnaires à ses collaborateurs susceptibles d’avoir recours à cette méthode particulière de travail. Elle peut également organiser des entretiens individuels ou en groupe. L’entreprise pourra ainsi organiser ce dispositif au mieux dès le départ et définir un cadre pour les télétravailleurs et leur managers.

2 – Etablir un cadre de travail à distance précis. Pour réussir à instaurer le télétravail dans son organisation, il est nécessaire d’établir un cadre en réalisant une « charte du télétravail » qui doit aborder de multiples points cruciaux comme l’organisation technique, les ressources matérielles mises à disposition, le rythme du travail à distance, les outils collaboratifs, le management des télétravailleurs, les droits et devoirs des salariés travaillant à distance, les droits et devoirs de l’employeurs. Pour établir cette charte, il est important de réunir des acteurs de différents pôles de l’entreprise (ressources humaines, managers, délégués du personnel par exemple) pour avoir une vision globale et exhaustive du dispositif à organiser.

3 – Expérimenter le dispositif. Une fois le cadre du travail à distance établi, il est indispensable de réaliser une phase de test. Celle-ci doit être délimitée dans le temps (1mois, 3 mois, 4 mois etc.), et aboutir à un diagnostic de la situation. L’employeur, les managers et les employés concernés par le télétravail doivent si possible donner leur feedback sur l’organisation du travail à distance afin de corriger les points négatifs et optimiser le dispositif. En effet, il est possible que durant cette phase de test, les managers se rendent compte que les outils de travail collaboratifs choisis au départ ne s’adaptent pas bien à la situation de travail à distance.

4 – Stimuler l’engagement des salariés en télétravail. Pour garder ses salariés en « home service » engagés et productifs il est indispensable de leur fixer des objectifs à court terme. Quels sont les résultats attendus cette semaine ? Ou les objectifs pour ce mois-ci ? Pour stimuler la motivation et l’implication des salariés à distance, il est également essentiel d’organiser des points d’équipe réguliers. Ces moments d’échanges en visio-conférence ou par téléphone permettent de garder une cohésion d’équipe. Le manager doit donc organiser des réunions régulières pour pouvoir fixer de nouveaux objectifs et conserver le lien entre les différents télétravailleurs.

5 – Recueillir les feedbacks des collaborateurs régulièrement afin d’optimiser le travail. Pour que le télétravail se passe le mieux possible, il faut interroger les collaborateurs qui expérimentent ce dispositif de manière régulière. Les managers, les responsables des différentes équipes et les employés en télétravail doivent pouvoir exprimer leur vécu et leur fonctionnement.

En suivant ces 5 étapes, les employeurs et les managers vont pouvoir mettre en place le télétravail dans leur entreprise de manière structurée et bénéfique pour tous les acteurs de l’organisation.

 

Une tendance de fond

D’un point de vue historique et sociologique, le télétravail fait avant tout référence à un déplacement du lieu de travail, qui peut d’ailleurs s’interpréter comme étant inverse à celui qui, à l’aube de la deuxième révolution industrielle, avait fait migrer les travailleurs de leur domicile et/ou atelier vers les usines et autres entreprises qui se développaient alors dans ou autour des villes. Cette évolution récente, contraire à celle connue jusque dans les années 1970 est sûrement le signe d’évolutions plus profondes. Est-ce l’influence des techniques de communication moderne qui permettent cette distanciation par rapport à l’usine ? Ou un des effet de la désindustrialisation ? Ou encore l’impact des tendances récentes et actuelles des salariés, pratiquement à tous les niveaux, à se désinvestir de l’entreprise pour se recentrer sur leurs valeurs personnelles et sur la vie familiale ? Certainement un peu les trois. Cette tendance pourrait encore être renforcée par l’arrivée de l’intelligence artificielle dans la gestion des entreprises.

Emile Biardeau