Réflexions sur la méthode AVARAP
Le changement est un objectif ambitieux qui requiert une approche simple. L’adaptation au changement est devenue l’un des enjeux majeurs de la période moderne et c’est précisément ce à quoi tend la méthode AVARAP. Pouvoir s’adapter à une situation nouvelle, surtout lorsque cela ne résulte pas d’un choix, requiert avant tout une vision claire de l’objectif à atteindre et du chemin à parcourir. La démarche doit être ensuite soutenue par une vraie motivation à agir. La focalisation sur l’action à entreprendre nous semble plus efficace que l’analyse détaillée des raisons pour lesquelles on se retrouve dans cette situation. Il ne s’agit pas d’élucider pourquoi le problème existe mais comment il se maintient.
L’approche comportementale ne fait pas fi de la complexité du réel
Choisir une approche comportementale ne signifie pas pour autant qu’on se limite à une conception purement instrumentaliste qui ne tiendrait pas compte de la complexité des situations et des individus. L’approche comportementale ne fait pas fi de la complexité du réel mais considère que l’analyse de cette complexité n’est pas absolument nécessaire et peut même constituer un frein important à la résolution du problème posé. Comme l’écrit Jean-Jacques Wittezaele dans « L’homme relationnel », « la recherche des causes non seulement n’éclaire généralement pas le problème mais, en plus, peut induire des réactions parasites pour la recherche des solutions. » Cette façon de procéder, résolument pragmatique, s’écarte de l’approche cartésienne classique selon laquelle seule la Raison permet d’expliquer et de comprendre les choses. Mais l’usage de la raison, nous le savons bien, est toujours fortement influencé par nos croyances et nos opinions. Comme le notait déjà Epictète, « ce qui trouble les hommes, ce ne sont pas les choses, mais les jugements relatifs aux choses. » La méthode AVARAP a pour but de faciliter pour chacun une prise de conscience claire de ses enjeux personnels. Le regard croisé des membres du groupe, les changements de perspective, la prise de distance, tout cela est de nature à permettre une prise en compte plus objective de la réalité.
S’efforcer de voir la réalité avec un œil neuf
Lorsqu’on parle du réel d’ailleurs de quoi parle-t-on au juste ? De la perception, par chacun, de ce réel plutôt; laquelle perception peut être très différente d’un individu à un autre. Dans le parcours proposé aux participants aux groupes Avarap, le miroir (1) par exemple a pour fonction principale de faire émerger la perception, par les autres, de l’image qu’on projette. Que cette image ne corresponde qu’imparfaitement à la réalité profonde de la personne qui fait son miroir n’a pas une importance vraiment fondamentale dans la mesure où, dans ses rapports avec les autres, c’est cette image qui sera considérée comme la réalité. Nous avons tous une tendance naturelle à nous appuyer sur des convictions, philosophiques, religieuses ou politiques qui viennent de notre éducation, de notre appartenance à un groupe social, de notre expérience personnelle, de l’influence de nos proches etc. Certaines de ces convictions peuvent alimenter des préjugés et entraîner de fortes résistances au changement; chacun pouvant toujours trouver toutes sortes d’excuses, apparemment rationnelles, pour continuer de se comporter comme il l’a toujours fait : « c’est difficile de changer à mon âge, ce n’est pas naturel de remettre tout cela en question maintenant », etc.
Des incitations motrices
Mais heureusement il y a aussi des incitations motrices : créer ou retrouver un nouvel équilibre par le changement, enrichir son expérience de la vie, sortir de la routine… Le regard des autres membres du groupe, compréhensif mais sans complaisance, va aider chacun à prendre de la distance par rapport à ses opinions et, au moins, à les organiser dans un sens positif. Les travaux de l’école de Palo Alto (2) l’ont bien montré, il y a de fortes relations entre la logique du changement et celle de la communication. De même qu’en communication il est important de pouvoir se glisser dans la logique de l’autre, en matière de changement il est important de modifier le cadre de références dans lequel le problème est posé car ce cadre est souvent ce qui empêche le changement même.
Changer, c’est d’abord commencer à faire autrement au niveau du quotidien
Le changement part de la réponse à des questions simples : pourquoi continuer à faire ceci ? Comment obtenir tel résultat ? Qu’est ce que je veux réellement ? Qu’est ce qui m’empêche d’y parvenir ? Pas seulement pourquoi mais pourquoi pas ? Le raisonnement par métaphores et analogies est souvent une aide précieuse pour aider à mieux comprendre une situation car il provoque une rupture dans la perspective et peut aider à un recadrage salutaire. L’humour est également très utile car il permet de porter un éclairage nouveau sur une réalité qu’on avait coutume de regarder sous un angle uniforme.
Les changements les plus profonds ne sont pas toujours les plus spectaculaires et vice versa. Les petits changements de la vie quotidienne par exemple sont souvent plus importants que les grandes décisions (souvent non suivies d’effet.) Le souci du détail dans l’exécution de ce qu’on a prévu de faire est plus important que le niveau d’ambition qui préside à ce plan d’action. Dans le domaine des entreprises ce sont les praticiens qui commencent effectivement à changer les choses et non les intellectuels du changement. Certains discours d’ailleurs ne servent qu’à éviter d’agir. Changement : en parler moins, en faire plus.
Entre action concrète et utopie
Etre ouvert aux idées nouvelles, s’efforcer de penser, dans un premier temps, que tout est possible
Avoir le souci de l’action concrète ne doit pas pour autant nous faire oublier l’utilité de l’utopie : avoir en tête, comme référence, un idéal qu’on sait ne pas pouvoir atteindre mais qui sert de modèle de projection et de support mental aux actions concrètes nécessairement plus modestes.
Il ne faut pas toujours être raisonnable, en tout cas dans la manière de poser les problèmes. Il s’agit de se montrer ouvert et curieux, de réapprendre l’étonnement. La créativité n’apparaît qu’avec la curiosité ; si la nécessité est mère de l’invention, la curiosité est mère de la découverte. Créativité : penser autrement ; innovation : faire de nouvelles choses. Curiosité, prise de distance, regard neuf, s’efforcer de re-découvrir ce qu’on pensait connaître.
De plus en plus il nous faut apprendre à vivre avec plus d’incertitude, ce qui suppose davantage de confiance, moins de contrôle et plus de créativité. Naturellement cela est plus facile lorsqu’on est jeune mais les exemples sont nombreux qui montrent qu’il n’y a pratiquement pas d’âge limite pour s’adapter à une nouvelle situation. Il faut savoir anticiper, ce qui revient à accepter de prendre des risques car comme l’écrivait Jean Rostand : « Attendre d’en savoir assez pour agir en toute lumière, c’est se condamner à l’inaction. »
Faciliter la confiance en soi et la motivation
Deux facteurs clés de la réussite: le support de la méthode AVARAP et la solidarité du groupe.
L’appartenance à un groupe AVARAP est de nature à faciliter la confiance en soi et la motivation. Toutes deux proviennent naturellement de l’émulation du groupe et de la circulation d’énergie qui en découle. La confiance en soi, qui a pu être entamée par une perte d’emploi, peut être rétablie à partir du moment où l’on est rassuré sur ses compétences. Par rapport à cet objectif un travail sérieux sur ses réalisations probantes constitue la meilleure discipline.
Quant à la motivation elle résulte avant tout du niveau de conviction qui s’attache au projet professionnel qu’on aura choisi et sur lequel devra porter toute notre énergie. Il faut se souvenir également que toutes les communications sont interdépendantes, ce qui signifie que le comportement de chaque membre d’un groupe va rétroagir sur celui des autres et peut conduire, de ce fait, à créer des dysfonctionnements. Ainsi une personne qui pense que les autres lui sont hostiles adoptera souvent un comportement agressif, ce qui déclenchera en retour des réactions qui ne feront que la confirmer dans son a priori. L’intéressé aura l’impression qu’il ne fait que réagir au comportement des autres alors qu’en fait c’est le sien qui l’a fait naître.
Une démarche de nature philosophique
Le parrain, ou l’animateur du groupe, a précisément pour fonction d’éviter que de tels dysfonctionnements, lorsqu’ils surviennent, ne tendent à perdurer. L’encadrement de la méthode AVARAP s’avère être un excellent support car elle est naturellement orientée sur des tâches concrètes. Le respect du temps par exemple est une contrainte constructive; en obligeant à faire court on développe son esprit de synthèse et on renforce l’attention à porter aux faits au détriment de leur interprétation nécessairement subjective. L’approche comportementale, en définitive, nous rappelle les enseignements de la sagesse orientale, c’est « ici et maintenant » que le problème se pose et qu’il faut décider concrètement ce qu’il convient de faire. Le quoi et le comment et non le pourquoi. Il faut aussi apprendre à lâcher prise et à ne pas « forcer la nature des choses ».
La méthode AVARAP se situe dans une démarche de nature philosophique, ayant pour but, dans le cadre de la solidarité d’un groupe, l’atteinte par chacun d’un meilleur équilibre personnel. Retrouver un emploi ou changer d’orientation professionnelle est certes important mais l’essentiel reste la mise sur pied d’un projet de vie cohérent avec ce que l’on est.
Claude Génin
AVARAP
(1) Le miroir est l’une des étapes importantes de la méthode Avarap consistant à se présenter au groupe et à recueillir ses réactions.
(2) Palo alto est une petite ville de la banlieue de San Francisco, proche de l’université de Stanford, qui a vu naître en 1959 le « Mental Research Institute » (MRI) qui devait par la suite être connu dans le monde entier pour ses travaux en psychothérapie. Le fondateur, Gregory Bateson, aidé de quelques autres chercheurs, dont Paul Watzlawick, a mis au point une méthode de thérapie familiale qui accorde une très large place à la communication. Parmi les ouvrages les plus connus on peut citer: « La réalité de la réalité » de Paul Watzlawick, et, du même auteur, en collaboration avec d’autres : « Une logique de la communication » et « Changements ». Ces trois ouvrages ont été publiés aux éditions Seuil dans la collection Points. L’ouvrage le plus complet, et assez récent, sur l’approche Palo Alto est celui de Jean-Jacques Wittezaele, directeur de l’Institut Gregory Bateson à Liège : « L’homme relationnel », aux éditions du Seuil – octobre 2003. Il faut ajouter le livre de Françoise KOURILSKY : « Du désir au plaisir de changer » paru aux éditions Eyrolles, avec une introduction de Paul Watzlawick.